Togo 3 – QUAND LA COKE A COLA DEVIENT AMBROISIE

15 mai 2009

Un petit « firefinch » du Sénégal, mais ici au Togo. Cette photo ne sert à rien de particulier mais il me venait l’envie de vous montrer un oiseau rouge. C’est chose faite (ça va mieux)

Me revoilà l’ami !

Les jours passent, passent, et passent encore. Je sais je l’ai dit trois fois, ce n’est pas un rituel, c’est juste pour insister. Je pense qu’un Africain qui vit 50 ans en vit en réalité 100. Ici les activités quotidiennes suivent un rythme calme et rassurant, à tel point qu’on ne distingue plus le travail des vacances et des corvées. La vie forme un tout, un ensemble homogène digérant toutes nos notions Européennes et nous offrant un peu de son essence pour en faire notre parfum d’existence. Des fragrances de bois mouillé, de terre retournée, d’orange et de verdure, et surtout partout cette odeur de soleil. Le rythme Africain m’a laissé tout le temps nécessaire pour savoir de quoi je vais te parler, et je me suis dit qu’il serait grand temps d’aborder un peu plus de l’AVES Togo et de sa vaillante famille.

Je t’ai déjà expliqué pourquoi AVES Togo existe, je vais maintenant approcher sa façon d’exister.
Ici on fait divers projets: de la protection de l’environnement, de la vulgarisation agricole, de l’éducation, de la prévention Sida, du développement touristique, bref un peu de tout. L’association survie grâce aux financements des stagiaires et volontaires. On paie 250 à 300€ par mois, la moitié couvre les frais de logement, nourriture, déplacement… et l’autre moitié permet le fonctionnement de l’AVES. Selom Agbavito, directeur exécutif, est celui qui nous accueille et définis nos missions. L’autre directeur, le grand chef, finis des études à Marseille, je ne le connais pas. L’association est une grande famille. Jacqueline, Lycéenne de 26 ans et sœur de Selom, est la « maman » de l’association. Elle s’occupe un peu de tout: faire à manger, divers travaux ménagers, accompagnement des nouveaux Yovo vers la vie Togolaise. Daniel, « Stagiaire » de l’association, l’aide dans la plupart des tâches et nous aussi bien entendu. Autour de ces 3 là plusieurs « animateurs » nous accompagnent dans nos projets. Ils peuvent servir d’interprètes, nous aident dans notre travail ou tout simplement dans les tâches quotidiennes. Ils ne vivent pas à l’AVES Togo mais viennent très souvent nous rendre visite. Des visites nous en recevons d’ailleurs de nombreuses, une maman par-ci, un cousin par là, quelques amis, d’autres directeurs d’ONG… la maison est toujours très vivante et respire la convivialité.
Ça, c’est pour le week-end. La semaine nous logeons dans les villages sur lesquels nous travaillons, accueillis par leurs habitants, souvent de la famille de Selom ou d’un autre membre de l’AVES. Nous vivons donc avec eux, et surtout comme eux. Sur place un animateur nous accompagne, nous guide, et surtout nous présente à tous les notables du village. On trouve également dans ces villages une personne ressource, un « parrain », qui est le bras droit de l’association, le lien avec les habitants. Voilà comment, globalement, fonctionne notre stage.

Une petite fillette aux yeux d’amande

Les femmes de Dzédramé, et la 3ème en partant de la gauche: Delphine notre maman Togolaise ! Une femme formidable (et reine-mère en plus)

Sinon, j’ai fait une découverte sensationnelle. L’ambroisie existe ami. Non pas la plante mais la nourriture des dieux, ou peut-être leur boisson peu importe. Que vous soyez sur une chaise ou un tabouret importe peu pourvu que vos fesses soient assises. Elle est américaine (pas la chaise, pas les fesses, l’ambroisie), elle est capitaliste, et elle est anti-diététique. Mais les dieux n’avaient-ils pas le droit d’êtres gros, riches, et terriblement avares ? Puisque nous avons conçu dieu à notre image cela ne m’étonnerait guère. La Coke à Cola aussi fut crée à notre image. Telle un serpent, ou plutôt telle un rat débarquant du bateau, elle à su coloniser tous les coins et recoins de la planète, les plus pauvres comme les plus isolés, s’immiscent dans nos panneaux publicitaires, nos bourses, nos soirées, notre vie.
Oui mais voilà, la vie prend parfois une tournure étrange au point d’embrasser son ennemi, de l’aimer, le chérir, l’acclamer, le désirer, et même en rêver certaines nuits. Oui, la girouette existe, oui la girouette s’affole même si le vent ici aime rester timide. Point de crime pédérastique comme dirait Brassens, simplement la naissance d’une passion acide et dévorante.
Laisse-moi donc t’expliquer. Je te dirais bien de fermer les yeux, mais ils risquent de t’être plus utiles ouverts que clos car c’est bien une lettre que tu lis. Tu peux quand même te mettre en condition: 4 pulls, une petite pièce fenêtre fermée, chauffage à fond, 5 lampes UV. Rajoute quelques peintures Africaines au mur, une odeur de chèvre, quelques kilos de poussière bien rouge, un brouhaha en éwé et une poignée de Francs CFA dans la poche. Te voilà prêt. Je te préviens que je me refuse de porter la responsabilité de ce qui t’arrivera, ou de ce qui t’es peut-être déjà arrivé. Si tu te sens pris de vertiges, baisse le chauffage et enlève un pull ou deux. Si tu n’en as plus la force, c’est trop tard, crie. Mais bon, puisque tu sembles encore avec moi et que ces quelques lettres défilent toujours devant tes yeux, ne tardons plus.
Je te laisse seul dans la rue accompagné de quelques notes, celles de ma voix. Tu es au centre de Kpalimé. Tu marches lentement le long de cette rue monotone en terre orangée. De chaque côté des petites échoppes te proposent Mangues, Coco, pâtes, sardines séchées, savons, pagnes, mais les vendeuses ne sont pas encore là, tout est désert. Tu continues toujours à marcher, il n’est que 11h et le soleil est déjà haut, très haut, et chaud, très chaud. Il fait 40°c et tu marches depuis 1h dans cette rue surexposée au milieu de la poussière et des odeurs de poisson séché. Tu as bien dû transpirer 1 litre ou 2. Petit à petit les gens apparaissent. D’abord une vendeuse derrière chaque comptoir qui tente de te vendre ses produits du jour dans une langue que tu ne comprends pas. Puis des passants, 2, puis 10, puis 100. La rue grouille maintenant de Togolais et le volume monte progressivement, les gens discutent, crient, les motos-taxi klaxonnent, et au milieu de ce joyeux bordel qui bourdonne à tes oreilles, quelques mots de Français. C’est ton ami, un ami, choisis celui que tu veux. Il marche avec toi et vous discutez de ce remue-ménage qui perturbe vos sens. Cela fait maintenant 2h que vous marchez, toujours en plein soleil, toujours 40°c, la maison est encore loin.
C’est là le point décisif, le tournant de l’histoire, le dénouement de la bataille. Ton ami, assoiffé, te propose d’aller boire un verre. Roulements de tambour, trompettes, éclairs à l’horizon, il est évident que dans cette situation, tu ne peux refuser. Après vous être précipités au premier bar sur votre chemin il t’offre une Coke à Cola fraiche tout juste sortie du congélateur-frigo. Tu l’observes, elle t’attend, elle aussi transpire à l’idée de te rencontrer et tout son être intérieur vibre de petites pastilles acidulées. La sensualité incarnée.
Enlève tes pulls, coupe le chauffage, ouvre la fenêtre, jette toi un grand seau d’eau glacée et déguste ta glace préférée. La drogue est passée, et elle est 1000 fois meilleure que nulle part ailleurs. Rien à rajouter.

La cascade. Je t’avais promis une cascade, je te servirais donc une cascade, mais pas maintenant. Oui je me suis dit qu’elle n’était pas encore assez fraiche, je t’apporte ça pour la prochaine fois avec, en plus, quelques glaçons, c’est juré.

En attendant je bois à ta santé te laissant deviner quoi …

Sylvain

Une cascade ! Une cascade !